Connectez-vous avec nous

Nouvelles

L’héritage de Master Dji, père fondateur du rap kreyòl

En 1982, il marque un tournant décisif dans l’histoire musicale du pays.

Publié

-

Le hip-hop haïtien a émergé dans les années 1980, en pleine période de bouleversements politiques, alors que le pays luttait pour la démocratie avant et après la chute de la dictature de Jean-Claude Duvalier (Bébé Doc). À cette période, dans cette région du globe, le pionnier incontesté est Master Dji, de son vrai nom Georges Lys Hérard, considéré comme le père fondateur du hip-hop en Haïti.

Né le 30 mai 1961 à Port-au-Prince, Master Dji grandit dans un environnement baigné de musique et de radio, son père étant le propriétaire de Radio Port-au-Prince. Très tôt, il s’initie à la radio, puis s’impose comme DJ, animateur et compositeur.

En 1982, il marque un tournant décisif dans l’histoire musicale du pays en diffusant sur les ondes son morceau Vakans, unanimement reconnu comme la première chanson de rap haïtien, interprétée en kreyòl et en collaboration avec la chanteuse Sylvie. Ce morceau, avec son flow inédit pour l’époque et son message, est considéré comme l’acte fondateur du rap kreyòl en Haïti.

Avec des titres comme Sispann (paru en 1986), il a su poser les bases d’un rap engagé, en kreyòl. Master Dji ne se limite pas à la musique. Il est également un acteur clé de la culture hip-hop : il organise des block parties, des concours de breakdance et contribue à populariser le mouvement auprès de la jeunesse.

En 1987, il fonde le groupe Haïti Rap’ N Ragga, fusionnant rap et ragga, et propulsant le hip-hop haïtien sur la scène nationale et internationale.

La discographie de Master Dji est marquée par des titres phares comme Sispann, Tann pou w tann, W ale kite m, Pou Timoun yo et bien sûr Politik Pa M.

Son engagement lui vaut une reconnaissance internationale, notamment le deuxième prix du concours RFI Découverte en 1989 avec Sispann.

Son album Politik Pa M, sorti en 1990, est considéré comme le premier album de rap haïtien.

Master Dji a inspiré toute une génération d’artistes et de jeunes en leur prouvant que le rap pouvait servir à s’exprimer.

Malheureusement, il est décédé prématurément le 21 mai 1994, à l’âge de 33 ans, mais reste à jamais le père fondateur du rap kreyòl. Son influence perdure à travers les artistes qui lui rendent hommage et perpétuent son message.

Dans les années 1990, après la mort de Master Dji, le mouvement s’est diversifié avec l’apparition de groupes comme King Posse et Original Rap Staff. Ces groupes ont instauré une des premières rivalités dans le rap haïtien, dynamisant la scène et attirant un public de plus en plus large.

En 2024, Steve Pageot est élu gouverneur du chapitre new-yorkais de la Recording Academy, l’organisation responsable des Grammy Awards, confirmant ainsi l’impact et la reconnaissance internationale des talents issus de la diaspora haïtienne.

Au sein de la francophonie canadienne, la diaspora haïtienne a joué un rôle clé dans la diffusion du hip-hop à l’international, notamment au Québec où elle a profondément marqué la culture urbaine. L’un des exemples les plus marquants de cette réussite sont les groupes Muzion et Rainmen, originaires de Montréal.

Formé par des artistes issus de familles haïtiennes, Muzion a su imposer sa voix et son style, devenant une référence incontournable du rap francophone en Amérique du Nord. Leur album Mentalité Moune Morne, paru à la fin des années 1990, est considéré comme un classique du rap québécois et francophone, et a permis à la diaspora haïtienne de s’affirmer fièrement sur la scène musicale au Québec.

À la fin des années 1990, sur la scène internationale, Rainmen s’est illustré par la force de ses textes et son audace, ouvrant la voie à de nombreux artistes issus de la diversité, tout en maintenant un lien profond avec ses racines haïtiennes. Leur influence et leur héritage dépasse largement le cadre musical : Naufrage et Outra la Pieuvre se sont imposés comme de véritables pionniers, marquant durablement l’histoire de la diaspora haïtienne par leur parcours et leur impact.

Au début des années 2000, des groupes majeurs comme Barikad Crew et Rockfam ont pris le relais, ravivant la flamme du hip-hop Haïtien. Barikad Crew, en particulier, est devenu un symbole du mouvement, mais a aussi été marqué par des tragédies, notamment la mort de plusieurs membres dans un accident en 2008, un événement qui a profondément touché la nation et renforcé le lien entre le public et les artistes.

Le séisme de 2010 a marqué un tournant pour le hip-hop haïtien, fragilisant le mouvement et accélérant sa mutation. Sous l’influence du modèle américain, la scène s’est orientée vers davantage d’individualisme et de matérialisme, la parité entre groupes et artistes ayant diminué au profit des carrières solo. Cette évolution s’est faite au détriment de l’engagement collectif et de la dimension communautaire qui caractérisaient les débuts du hip-hop haïtien.

Malgré cela, certains artistes comme BIC ou K-Libr continuent de défendre un rap conscient et engagé, tandis que de nouvelles voix, notamment féminines comme Kanis et Princess Eud, émergent sur la scène.

Aujourd’hui, le rap haïtien continue d’évoluer, mêlant tradition et modernité, tout en restant fidèle à son rôle de miroir des luttes et des espoirs de sa communauté.

Une chose est certaine : le hip-hop haïtien n’a pas dit son dernier mot. Il continue d’écrire son histoire, bar byen, avec la même fougue et la même fierté, rappelant au monde qu’Haïti, terre de révolutions, reste aussi une terre de rimes et de renaissance.

Bonne fête des 222 ans au drapeau haïtien et de la journée de l’Université ! 🇭🇹

« Nou la toujou, nou la pou toujou. »

Publicité

Facebook

Publicité